Les télépathes ne se supportent pas et s’entretuent lorsqu’ils se rencontrent. Mais Mary va créer le Motif qui les liera tous à elle et entre eux. Elle s’est aussi donné pour mission d'y intégrer tous les télépathes ratés, abandonnés à leur sort par son père, leur père et grand-père à tous, afin de leur permettre d’accéder à leurs pouvoirs et de sortir de la souffrance. Peu à peu, la communauté de télépathes va grandir, grossir, s’étendre à tout le pays, à toute la planète.
Face au développement irréfrénable de la communauté de télépathes, le père de Mary décide de la tuer. Elle le sait. Elle s’y prépare. Tous les télépathes du Motif la soutiennent. Ils sont prêts à se sacrifier plutôt que de retourner à leur condition antérieure de souffrance psychique, de violence et de pauvreté. Mary combat et tue son père dans une scène finale très courte et intense. Elle tire sa force de l’énergie psychique des télépathes de sa communauté dont certains en mourront. Elle intègre son père dans le Motif. Il est pris au piège. Elle le tue.
Mary est le nouveau mythe du messie : une femme pauvre et noire qui ne cherche pas à transmettre l’héritage du père. Bien au contraire, elle se dresse contre lui. Elle doit tout inventer à partir de rien car elle n’a pas d’origines. C’est là que la messie d’Octavia E. Butler rejoint la Cyborg de Donna Haraway. Mary dans Le Motif, Shori dans Novice et Lauren dans La Parabole des talents et La Parabole du semeur sont toutes les trois l’incarnation de ce nouveau mythe de la messie.
Étant une minorité, les télépathes doivent aussi réinventer leurs relations sociales. Mary, cheffe sage, empathique et impitoyable si nécessaire, communique donc rationnellement et sans romantisme avec les membres de son Motif pour organiser la survie et l’expansion de la communauté. Les télépathes vont former des familles composées de plusieurs de leurs membres et d’humains à leur service, les relations de hiérarchie entre humains étant un autre thème cher à Octavia E. Butler.
Les enfants occupent également une place centrale dans l’organisation sociale de la communauté puisqu’ils sont leur futur. Comme les parents ne supportent pas leurs enfants, ils les confient à leurs serviteurs humains pour s’en occuper et leur donner amour et affection. Ici, ce n’est plus la mère, accompagnée ou pas par le père, qui s’occupe des enfants, mais la communauté. Instruits dans une école créée spécialement pour eux, ils apprennent les mathématiques et la lecture, mais aussi leur Histoire. En transmettant leur Histoire, en la racontant, les télépathes la sortent de l’invisible.
Cet espoir de monde meilleur s’adresse à toutes les minorités sans origines, sans Histoire, invisibles qui doivent se réinventer tous les jours pour survivre. Espérons seulement que les télépathes sauront conserver cette fraîcheur des débuts et que leur organisation ne se sclérosera pas en dogmes rigides. Sinon, il se pourrait qu’une nouvelle messie naîtra.
Le Motif fait partie de la série Patternist
Le Maître du réseau, Presses de la Cité, coll. « Futurama » no 12, 1977
Le Motif, OPTA, coll. « Club du livre d'anticipation », 1980
La Survivante, OPTA, coll. « Club du livre d'anticipation », 1980
Humains plus qu'humains, Presses de la Cité, coll. « Superlights », 1985
Écrit en premier, Le Maître du réseau est finalement le dernier volet de la série.
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