Il y a deux jours, un ami m’a envoyé une publication Instagram de @cha_argentina (Comunidad Homosexual Argentina) annonçant l’assassinat d’Enzo Aguirre. Je lui ai demandé : « Est-ce qu’on le connaît ? » Il m’a dit : « Oui ! »
Effectivement, le 18 septembre, nous avions fêté mon anniversaire avec des amis gays et une amie lesbienne. Nous étions allés finir la soirée au kiosque qui se trouve sur Pellegrini et Marcelo T. de Alvear, bien connu de la communauté LGBT étant donné que le bar Flux se trouve au coin de la rue en tournant et que nombre de fêtes LGBT ont lieu dans les environs.
Nous étions donc attablés en terrasse. Il faisait frais mais on tenait bon. Ça faisait au moins 6 mois qu’on ne se voyait pas à cause du confinement. Enzo se trouvait à l’intérieur du kiosque avec deux amies. L’un de mes amis le connaissait de vue et le critiquait. Mais il faut dire qu’il critique tous les beaux garçons. Une pointe d’envie sûrement… Je n’ai fait que voir Enzo. Je ne lui ai jamais parlé. Je sais juste qu’il faisait partie de la communauté nocturne LGBT de Buenos Aires, comme nous tous. J’imagine la douleur de ses deux amies, de ses autres amis et de sa famille.
Personnellement, je ne ressens aucune douleur car je ne le connaissais pas personnellement. Mais j’imagine quelle serait ma douleur si un de mes amis se faisait assassiner. J’ai peur pour eux et j’ai peur pour moi. On est dans l’ensemble assez libres de marcher dans la rue sans être victimes d’agressions homophobes dans les quartiers centraux de Buenos Aires. Maintenant que je suis à Paris, je vois d’ailleurs beaucoup moins de personnes LGBT dans la rue que dans la capitale argentine. Cependant, le risque reste encore énorme.
Je me rends compte que j’ai le privilège d’avoir une allure passe partout. Mon orientation sexuelle ne se reflète pas dans mes vêtements ou mon attitude. C’est ce que je pense en tout cas. Je ne le fais pas exprès. C’est juste comme ça. Mais je sais que si je me baladais main dans la main avec une fille cis ou avec une personne non binaire ou un homme efféminé ou avec une femme trans, ce serait beaucoup plus risqué. Cependant, je crois que je ne pourrais pas résister à l’envie de tenir la main de mon/ma partenaire.
Dans tous les cas, moins de 2 mois après ce 18 septembre, une personne que j’ai vue vivante est morte, assassinée. S’il l’avait su, mon pote l’aurait-il moins critiqué ? Si Enzo, l’avait su, qu’aurait-il fait pendant ces deux mois de sursis ? Nous ne sommes pas dans un film de science-fiction. On ne peut pas prévoir le futur et encore moins notre mort. Nous pensons avoir toute la vie devant nous. Mais nous pouvons mourir dans deux mois ou demain, assassiné ou à cause du COVID-19. Il est donc urgent de vivre heureux, de prendre le contrôle de nos vies, de dessiner, d’écrire, de danser, de faire ce qui nous plaît, de voir nos amis et notre famille, de ne rien repousser au lendemain. Bref, de récupérer le véritable nord de notre vie.
Commentaires
Enregistrer un commentaire